14-07-2025 15:51 - Réponse d’un journaliste mauritanien à Mohamed Cherfaoui – Leçons d’arrogance mal placée

Réponse d’un journaliste mauritanien à Mohamed Cherfaoui – Leçons d’arrogance mal placée

Le Quotidien de Nouakchott - Monsieur Cherfaoui,

Dans votre billet publié par Le Matin d’Algérie, vous avez pris soin de transformer une séquence diplomatique somme toute banale en une fresque grandiloquente sur la soumission postcoloniale, prenant pour cible le président mauritanien comme s’il incarnait à lui seul l’humiliation de tout un continent.

Ce que vous qualifiez de « murmure mal assuré » n’est que la lecture hautaine d’un regard biaisé, confortablement assis dans l’ombre d’un ressentiment mal digéré.

Vous reprochez au président Ghazouani de ne pas avoir répondu à l’humiliation par un coup de poing sur la table, comme si la diplomatie se menait à coups de répliques viriles et de déclarations tonitruantes pour plaire à des éditorialistes en quête de symboles faciles.

Mais voyons plus loin que l’écume des gestes. Contrairement à ce que vous insinuez, le président de la République islamique de Mauritanie n’a pas été convoqué, mais invité, à une rencontre stratégique sur les ressources africaines, la sécurité et la souveraineté économique. Ce n’était ni un Conseil de discipline ni une pièce de théâtre postcoloniale. Ce n’est pas parce que la scène ne vous plaît pas qu’elle doit être ravalée au rang de pantomime coloniale.

Vous instrumentalisez une formule abrupte de Donald Trump pour asséner une leçon de dignité à un chef d’État africain. Mais au fond, que cherchez-vous ? Vous auriez sans doute préféré qu’il s’indigne, qu’il claque la porte, qu’il dénonce l’ »ordre impérial » pour apaiser votre propre malaise identitaire vis-à-vis de l’Occident. C’est là toute la limite de votre lecture : elle n’est pas panafricaine, elle est paternaliste. Vous projetez sur nos silences ce que vous n’osez affronter dans vos propres relations internationales.

Et puis, soyons sérieux, quelle leçon la diplomatie algérienne a-t-elle à donner à celle de la Mauritanie en matière d’égalité, de fermeté ou de stratégie dans ses relations avec les grandes puissances ?

Où était donc cette flamboyance algérienne lorsqu’en pleine campagne présidentielle, le chef de l’État Abdelmadjid Tebboune promettait avec emphase, lors d’un meeting à Constantine, d’envoyer l’armée algérienne à Gaza « si l’Égypte ouvrait ses frontières » ?

Une déclaration virale, ponctuée de promesses de « construire trois hôpitaux en vingt jours », mais suspendue au bon vouloir du voisin égyptien, révélant l’impuissance réelle derrière la posture martiale. Et que dire de son boycott du sommet extraordinaire de la Ligue arabe sur Gaza, le 4 mars au Caire, frustré que l’Algérie n’a pas été conviée à la réunion préparatoire à Riyad ?

Voilà une diplomatie qui s’indigne avec fracas… mais se retire en silence quand elle n’est pas invitée. Une souveraineté bruyante, oui, mais trop souvent contournée dans les lieux où se décide l’avenir du monde arabe. Où était en ces moments-là le sarcasme à l’emporte-pièce de Mohamed Cherfaoui ?

L’Afrique n’a pas besoin de donneurs de leçons moralisateurs qui transforment chaque maladresse ou protocole raccourci en procès pour trahison du continent. L’Afrique a besoin de solidarité, de lucidité et d’efficacité. Et cela passe parfois par le silence stratégique, par la retenue calculée, par le refus de transformer chaque affront en théâtre pour tribune journalistique.

Ghazouani n’a pas répondu ? Peut-être parce qu’il a jugé que la Mauritanie ne mérite pas que son honneur soit jeté en pâture à la galerie. Peut-être parce qu’il a compris, dans une sagesse toute sahélienne, (chez nous, on dirait, Deymanienne*) que l’instant médiatique ne vaut pas toujours la hauteur des enjeux géopolitiques.

Alors de grâce, ne prétendez pas parler au nom d’un continent quand vous ne faites qu’exorciser vos propres obsessions tout en projetant vos frustrations mal digérées.

Laissez l’Afrique hors de vos règlements de comptes personnels avec l’Histoire — ce n’est pas un continent qu’on instrumentalise au gré de vos blessures idéologiques. Il ne suffit pas de s’indigner avec emphase pour incarner une conscience africaine. Encore faut-il ne pas confondre journalisme et exorcisme.

Ce que vous prenez pour un silence honteux est peut-être simplement un refus de jouer votre pièce. La Mauritanie, elle, poursuit son chemin, dignement, sans fracas ni fureur. Mais comme on dit chez nous, et je pense aussi chez vous :

اللي ما يعرفك يخسرك. »

(lli ma yʿarfek ykhesrek)

« Celui qui ne te connaît pas te perd. »

Un journaliste mauritanien





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Commentaires (3)

  • activiobservat (H) 15/07/2025 15:40 X

    Diaspora----...@analagjar, si l’article de ce monsieur Mohamed Cherfaoui est un tir venant d’une « cinquième colonne » de façon orientée pour semer la zizanie, et si le journal « Le Matin d’Algérie » qui a publié l’article est un journal d’opposition basé en France, alors pourquoi le journal «Le quotidien de Nouakchott » s’attaque-t-il à la diplomatie algérienne officielle et au régime algérien. Le journal « Le quotidien de Nouakchott » ne contribue-t-il pas aussi à semer la zizanie. Cela prête vraiment à croire que le journal « Le quotidien de Nouakchott » fait lui aussi le jeu de la même « cinquième colonne ». Et ainsi, il essaie de faire entrer la Mauritanie dans ces tirs croisés visant le pouvoir algérien. A notre avis, le journal « Le quotidien de Nouakchott » devrait retirer ses attaques visant l’Algérie s’il se confirme réellement que l’article est un tir venant d’une « cinquième colonne » de façon orientée pour semer la zizanie, et que le journal « Le Matin d’Algérie » est un journal d’opposition basé en France.

  • activiobservat (H) 14/07/2025 19:10 X

    Diaspora----Ce monsieur Mohamed Cherfaoui est-il algérien? Mais son article est quand même publié par Le Matin d’Algérie. Donc la chose émane de l’Algérie. C ’est étonnant que quelque chose de si terre à terre émane de la grande Algérie de la vraie résistance, de la vraie souveraineté, l’un des derniers peuples bastion de l’arabité et de l’islam, étonnant de se rabattre sur des miettes d’évènements de médias provenant des USA disant que cinq pays sous-développés mais dignes ont été invités par une grande puissance mondiale qui par hasard actuellement est présidée par un président de caractère et de comportements très particuliers vis-à-vis de tous les pays du monde.Notre grande Algérie mérite de rester plus grande que ça, rester stoïque.

    Cet article ne pourra pas diminuer le président mauritanien en rien, mais il a pour effet de rabaisser l’Algérie par rapport à l’image qu’elle avait aux yeux des mauritaniens. C’est dommage. A quoi bon ?Non ! Notre cher Mohamed Cherfaoui, vous vous trompez, vous n’avez pas compris, vous êtes encore très loin de la Mauritanie pour comprendre les méandres des valeurs de la Mauritanie, dont le stoïcisme. Mais ça viendra, vous viendrez peut-être un jour y apprendre du stoïcisme, vous paraissez cultivé et intelligent…

    Quant aux bourdes de Trump, en coupant la parole à certains ou en appréciant l’anglais d’un autre, Trump a l’habitude d’en commettre vis-à-vis d’autres présidents européens, asiatiques…et personne ne s’en formalise ni les prend à cœur, sauf les personnes complexées, car c’est le caractère de M. Trump...Le président Mauritanien Ghazouani s’est plutôt comporté avec aisance et responsabilité en évoquant les guerres dans le monde, et surtout le nombre de morts dans le conflit israélo palestinien, avant même de parler de la Mauritanie...

    Le président Mauritanien Ghazouani était le premier à prendre la parole et son intervention a pris assez de temps, car il était bien dans son assiette et sans complexes, ce qui a peut-être un peu troublé Trump qui n'est pas habitué à voir des présidents du tiers-monde aussi sûr d'eux-mêmes...Le Président Ghazouani s’en est sorti plutôt grandi dans cette rencontre…Oul Ghazouani enregistre ainsi un nouveau succès diplomatique incontestable...Le Président Oul Ghazouani a bien fait d’être long dans son intervention.

    Il a ainsi donné l'image qu'il a le courage de ses idées. Les comportements de Trump vis à vis de son intervention donnent plutôt crédit à Ghazouani soi-disant qu'il a pu avoir le courage de ses idées...Et on sait par ailleurs que Trump se comporte ainsi avec tout le monde sans le prendre à coeur…

    Personne ne pense que cette rencontre était censée marquer un tournant dans les relations entre les États-Unis et l’Afrique.S’il en était ainsi, la rencontre aurait prévu beaucoup plus de pays et surtout les plus « grands » pays africains en termes d’importance économique…Trump a invité ces cinq pays côtiers –côte Ouest de l’Afrique à cause de leur proximité avec les USA sur l’Atlantique, pour renforcer leur coopération avec les USA pour des raisons géographiques, et pour s’assurer que l’avancée des Russes et de la Chine, nouveaux venus en Afrique de l’Ouest à la demande du Mali, n’atteigne ces cinq pays de la côte Ouest et fasse d’eux un théâtre d’affrontements entre grandes puissances et de terrorisme comme au Mali..

    Ces cinq pays sont dans le voisinage immédiat des USA et étaient depuis longtemps en bonne coopération sécuritaire avec les USA et c’est légitime compte tenu de la proximité géographique atlantique…Donc, ces cinq pays ont accepté naturellement cette invitation et ils ne pouvaient que l’accepter. Il ne faut pas le leur reprocher. Pour les questions de coopération, migration…évoqués, la rencontre n’est pas le lieu de parler de leur légitimité ni de leurs modalités de mise en œuvre. Le silence des présidents ne vaut ni entérinement, ni docilité. Non, certains étaient laconiques, par prudence (Guinée Bissau)...

    D’autres, étaient plus décontractés et ont été directs (Mauritanie et Gabon). Le président mauritanien a été le premier à prendre la parole. Il a ouvert le bal avec un langage direct et très clair en disant que le pays même s’il est petit, suivant le critère de population, de niveau de vie et d’influence internationale, par rapport aux USA, il est aussi un grand pays suivant d’autres critères et il n’a aucun complexe sur ce plan. Deux autres présidents parmi les participants ont aussi répété ce même langage du président Ghazouani dans leurs interventions...De son côté, le président gabonais a ajouté clairement que le pays est ouvert à des investissements gagnant-gagnant, et que si les USA n’y viennent pas il y a d’autres investisseurs qui vont venir.

  • analagjar (H) 14/07/2025 16:38 X

    @quotidien de Nouakchott Juste pour vous signaler que Monsieur Mohamed Cherfaoui est peut être bien né en Algérie mais qu'il est d'origine marocaine (tapez google )et qu'il est le mm le Président international du collectif de soutien aux familles d'origine marocaine expulsées d'Algérie en 1975...Son point de vue ne représente par conséquent ni les journalistes algériens et encore moins la diplomatie algérienne ...C'est ce qu'on appelle la cinquième colonne qui, apr des interventions orientées, cherche à semer la zizanie...