05-09-2014 00:20 - Nos Imams et nos prêtres étaient rapprochés par une fraternité oeucumenique

Nos Imams et nos prêtres étaient rapprochés par une fraternité oeucumenique

Adrar-Info - J ’ai vécu à Nouakchott depuis l’enfance et ce depuis 1959. J’ai connu dans le gros village d’alors qu’était notre capitale en construction la communauté religieuse chrétienne particulièrement les bonnes sœurs. De ces sœurs d’Eglise j’ai gardé d’excellents souvenirs.

Les souvenirs que j’ai des prêtres sont aussi excellents mais ils étaient moins familiers que les sœurs par rapport à nous. Les prêtres étaient plutôt confinés aux tâches de l’Eglise proprement dite sans toutefois essayer, et c’est très important à souligner, de convertir les populations à leur religion.

L’image qui m’est restée de ces hommes en soutane est celle de personnes discrètes, effacées presque, gentilles, souriantes, disponibles sans hypocrisie et sans calcul desquelles se dégage une sérénité, une bonté réelle. Les sœurs étaient plus familières, nous les côtoyions quotidiennement.

Elles étaient impliquées dans la vie des premiers Nouakchottois, elles étaient dans les centres de formation féminine apprenant aux mauritaniennes la coupe et couture de vêtements, de linge de maison, le tricotage, les rudiments d’hygiène et de puériculture.

Elles donnaient des conseils dans le domaine de la santé mais pas celui de l’éducation parce qu’elles ont toujours respecté nos traditions et notre mode de vie. Elles ont néanmoins dispensé des cours d’alphabétisation.

Les sœurs de notre Eglise d’alors de par ces activités faisaient côtoyer les épouses de ministres, de hauts fonctionnaires et celles aussi bien, des autres fonctionnaires subalternes, avec les femmes du « Ksar » (ancien Bourg : Nouakchott) issues de la population autochtone.

J’ai un agréable souvenir des fêtes religieuses aussi bien musulmanes que chrétiennes, fêtes que nous vivions pour ne pas dire que nous célébrions en parfaite symbiose et partage, grâce certes, à la tolérance mais aussi grâce à « l’Eglise de Mauritanie », celle de Nouakchott particulièrement.

Ces religieuses nous ont fait partager et connaître Noël et Pâques (les œufs de chocolat) etc. avec surtout l’arbre décoré, illuminé, les cadeaux, et la bûche ce qui est aussi important à souligner ici, c’est que le mystère de la Nativité ne nous a jamais été expliqué à l’occasion, nous sommes restés à notre croyance révélée par notre St Coran par rapport au sujet.

Cette Eglise avait contribué au rapprochement des communautés en respectant les différences. A notre fête, elle a apporté d’autres distractions venues d’ailleurs telles les kermesses (sans connotation religieuse) la chasse au trésor, ainsi que beaucoup d’autres jeux.

Tout ceci a surtout contribué à une véritable intégration, sans rejet d’aucune part, qui à son tour a permis une tolérance certaine, d’où une course à la découverte mutuelle des deux communautés qui a engendré ce climat social unique que connaissait Nouakchott de l’époque.

Par ces temps troubles et confus, j’éprouve parfois de la nostalgie pour ces autres temps de sérénité, d’acceptation du droit de l’autre à la différence par l’exemple que donnaient des Hommes de religion de haut niveau moral.

Nos Imams et nos prêtres étaient rapprochés par une fraternité oeucumenique dans une même communion et dans l’échange tolérant des civilités, dans la comparaison des traditions spirituelles et des écritures sacrées révélées aux uns et aux autres par le même Dieu.

La recherche de ces Hommes de Dieu musulmans et catholiques des éléments de rapprochement plutôt que de différence et d’antagonisme, était tout simplement sublime.

Je garde de cette période des souvenirs inoubliables en particulier des sœurs, toujours elles, parce que comme je l’ai dit plus tôt, elles étaient très présentes dans la vie des Nouakchottois.

Je me souviens aussi des relations qu’elles entretenaient avec nos mères, avec lesquelles elles arrivaient à communiquer malgré le grand handicap de la langue, on les entendaient même rire parfois (miracle !!!) ; elles se rendaient visite les unes aux autres et quand c’est les sœurs qui venaient chez nous, c’était la fête car elles avaient toujours des gâteries dans des sacs en forme de besace.

On les rencontraient dans tous les coins de la capitale, dans leur uniforme qui nous attiraient contrairement aux autres uniformes (médecins, militaires, etc.) qui nous faisaient fuir et c’était très fortuit, vu notre age à l’époque.

Les prêtres montraient des disponibilités similaires à l’égard de tous ceux qui sollicitaient conseil, appuis… L’église en construction à proximité de la toute neuve ambassade de France alors abritée par un bâtiment unique à étage, était souvent un lieu de distribution de couvertures de petits à points en denrées de première nécessité, rapides diagnostics médicaux pour les nombreux ouvriers et gardiens d’une capitale en chantier.

Ils étaient à l’écoute des familles nécessiteuses, des campements qui poussaient comme des champignons autour des chantiers de Nouakchott en construction. Ils servaient tout le monde avec gentillesse, bonté et abnégation.

Il ne me reste plus qu’à dire que je suis jusqu’à présent impressionnée par l’humanisme, la modestie, le sens de mesure de ces religieux venus d’ailleurs et qui se sont toujours refusés la tentation facile de succomber au prosélytisme ou aux attitudes hostiles aux traditions socioculturelles locales de notre pays, et qui pouvaient choquer les mauritaniens.

Ramla Mint Sid’Ahmed Lehbib
Source : sites.google.com



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