16-08-2014 10:12 - Les jeunes sont plus vulnérables au radicalisme, affirme un imam

Magharebia - Alors que l'extrémisme violent fait la une des journaux d'Irak en Libye, Magharebia a rencontré Abdoullah Sarr, imam de la mosquée d'Alvath dans le quartier de Sabkha à Nouakchott, pour tenter de mieux comprendre la situation.
Magharebia : Comment expliquez-vous la montée des groupes extrémistes comme al-Qaida et l'Etat islamique (EIIL) ?
Abdoullah Sarr : Tout d'abord, le monde doit savoir que l'Islam est une religion de paix… Mais pour répondre à votre question, la montée de mouvements extrémistes tels qu'al-Qaida ou l'EIIL est liée à une question centrale : l'injustice…
Magharebia : Comment cette injustice a-t-elle créé des réseaux terroristes ?
Sarr : L'extrémisme et le terrorisme sont toujours liés à une injustice. Tous ceux qui ont été recrutés par al-Qaida au départ retourneront dans leurs pays respectifs et se soulèveront contre l'injustice, passant finalement à des actes de violence et au terrorisme, ce qui est naturellement intolérable…
La majorité de ces mouvements sont issus de mouvements de jeunes, motivés plus par l'émotion que par la raison, et vous trouvez rarement des intellectuels musulmans pour condamner ces agissements d'extrémisme. Ben Laden et Zawahiri n'étaient pas des intellectuels.
Pour les vrais érudits musulmans, l'Islam n'est pas une religion de réaction, ce qui veut dire que ce n'est pas parce que vous avez subi une injustice que vous devez exercer votre revanche…
En réalité, l'extrémisme a causé un tort immense à l'Islam.
Magharebia : Comment expliquez-vous le succès de mouvements extrémistes comme l'EIIL au sein de la jeunesse ?
Sarr : Les jeunes sont les plus vulnérables. Leur tournure d'esprit et leur énergie en font des proies faciles. Ces jeunes sont victimes d'une mauvaise interprétation des choses, d'une déformation des faits.
Nous devons par conséquent intervenir et les orienter. En Mauritanie, par exemple, il existe l'Association Al Moustaghbal, qui s'adresse aux jeunes et organise de nombreux débats ; je suis heureux de constater que ses actions portent leurs fruits, et que nous enregistrons une baisse de l'extrémisme au sein de la jeunesse…
Magharebia : Quel est le rôle des imams dans l'orientation des jeunes ?
Sarr : Tous les prédicateurs ont le devoir de bien orienter les jeunes. Mais le problème est qu'il existe un voile, un certain fossé entre les imams et les jeunes. Pour parler à ces jeunes, il faut aller vers eux, ne pas attendre dans les mosquées qu'ils fassent le premier pas. Il faut aller les voir dans les stades et dans les écoles.
Les jeunes sont souvent réticents à poser des questions aux imams à propos de certains sujets sensibles, par peur d'être qualifiés d'impolis. C'est une réaction tout à fait naturelle. Mais aucune question n'est taboue. L'imam doit être prêt à répondre à tout et à considérer le point de vue de la jeunesse.
Il doit se rappeler la modération affichée par le Prophète (que la paix soit sur Lui) qui, par exemple, avait refusé de tuer les hypocrites, même s'il les connaissait personnellement…
Les jeunes doivent être accompagnés, pour entendre les arguments du pour et du contre, afin qu'ils soient en mesure de choisir ce qui est bon.
Par Bakari Guèye à Nouakchott pour Magharebia