25-08-2013 07:39 - Egypte : 'Plus personne ne peut croire que l'islam est la solution', estime un spécialiste - [Audio]
Décryptage - Il y a un an, l'Égypte adoptait un slogan : "L'islam est la solution". Aujourd'hui, "les islamistes au pouvoir ont montré qu'ils n'avaient aucune capacité de gouverner", selon Gilles Kepel, spécialiste du monde arabe.
Il y a un an, le président égyptien Mohamed Morsi s'imposait avec un slogan : "L'islam est la solution". Destitué par l'armée le 3 juillet dernier, il est depuis cette date maintenu en détention. Et les Frètres musulmans, dont il est issu, martèlent qu'il s'agit d'un coup d'État militaire.
Gilles Kepel, lui, est pourtant catégorique : "Plus personne ne peut croire, ni en Égypte, ni en Tunisie ni ailleurs, que l'islam soit la solution".
Selon ce spécialiste du monde arabe interrogé par RTL, il faut en effet désormais se demander : "Quel islam ?" "Est-ce que c'est celui des Frères [musulmans], celui des salafistes, celui de l'appareil, celui des jeunes ?"
Plus largement, Gilles Kepel estime que "les islamistes au pouvoir ont montré qu'ils n'avaient aucune capacité de gouverner, de faire significativement la différence. La situation économique et sociale s'est considérablement dégradée et la mobilisation populaire, la fureur, même si elle n'a pas véritablement de parti alternatif pour s'exprimer, a aujourd'hui atteint son sommet dans un rejet massif de Morsi en Égypte, et aussi de l'appareil d'Ennhada en Tunisie".
La gestion des Frères "très profondément plombée"
Mi-août, l'armée réprimait dans le sang les manifestations de soutien au premier président démocratiquement élu d'Égypte - démontrant au passage le manque criant d'influence des pays européens et des Etats-Unis sur la situation. Le "rejet massif de Morsi" est cependant, selon Gilles Kepel, le signe que la gestion politique des Frères musulmans est "très profondément plombée". Il ajoute : "L'espèce d'utopie politique, de conte de fée islamiste, qui était à la base du slogan "l'islam est la solution", apparaît aujourd'hui comme une fredaine".
Déficit de légitimité démocratique
Dans ces conditions, la seule issue viable pour le pays est de "rebattre jeu démocratique". "Mais surtout, le problème est que même si ces révolutions se sont traduites par la liberté d'expression, il n'y a pas de pacte qui permette de construire une structure institutionnelle qui respecte les libertés et qui fasse que le pays soit organisé, poursuit Gilles Kepel. Il y a un déficit de légitimité démocratique qui atteint fondamentalement toutes les institutions de la société aujourd'hui".
Quant à savoir si un retour de l'armée au pouvoir est envisageable, "il est probable qu'un certain nombre de gens y pensent", indique le spécialiste de la région. "Bien sûr, ce serait une solution à très court terme. On voit comment la situation se dégrade avec les lynchages dans les villages, l'exaspération populaire, etc. Mais ce serait une catastrophe sur le moyen et le long terme, parce que cela voudrait dire qu'il n'y a pas de possibilité d'organisation démocratique dans un pays comme celui-là ", conclut-il.

