Mesdames, Messieurs,
C'est une occasion rare qui m’est offerte pour parler au siège des Nations Unies à New York de l'expérience de la Mauritanie et clarifier certains concepts erronés et des perceptions biaisées qui sont souvent associées à l'Islam souvent liées à l’Islam dont ils ont terni l’image et celle de musulmans devant le monde.

Il est étrangement paradoxal que le prophète Mohamed, paix et salut sur lui, soit le premier homme dans le monde à appeler à l'égalité entre les femmes et les hommes quand il dit : « les femmes sont les sœurs des hommes » et de recommander : « traitez les femmes avec bonté), alors que ses adeptes comptent parmi les sociétés qui respectent le moins les droits et la dignité des femmes?

Il est tout aussi paradoxal de montrer l'Islam comme une religion de violence et de sang alors que le Saint Coran nous enseigne : « Nous ne t'avons envoyé que comme miséricorde pour l'humanité.», Coran, XXI, 107.

Lorsqu’on enlève des personnes innocentes au nom de l'Islam, cela signifie que l'Islam a été aussi enlevé. Il est l’otage ici et là, otage chez les retardés et otage chez les extrémistes. Depuis des décennies les us et coutumes sont devenus un voile couvrant l'Islam et portant la tunique de l'Islam à tel point qu'ils se confondent avec l'Islam et beaucoup d’hommes religieux considèrent que les toucher c’est violer la religion elle-même.

Conscients de ces défis auxquels la pensée islamique fait face, nous travaillons depuis des années au sein d’une élite d’érudits de la République islamique de Mauritanie dans le cadre du Forum de la Pensée Islamique pour combattre les idées surannées et les conceptions erronées qui dénaturent l'Islam et le montrent comme un obstacle au progrès et au développement humain.

Nous considérons que la vraie religion ne peut pas être contraire à l'intérêt de l'humanité et estimons qu'il est du devoir des ulémas d'être à l'avant-garde des élites œuvrant à l’intérêt de l’humanité, à réaliser le bien-être de l'homme où qu’il se trouve et à préserver la dignité humaine.

Dans ce cadre et cette philosophie, le phénomène de l’excision constitue l’une des pratiques les plus attentatoires à la dignité des filles et des femmes et partant, nous menons, en coopération avec des organisations internationales et notamment la GIZ, un effort mobilisateur et intellectuel pour expliquer notre position sur ce phénomène largement répandu dans notre pays et les Etats voisins.

Nous avons émis en janvier 2010 une fatwa sur l’interdiction de cette pratique, fatwa qui a eu des échos dans le pays et à l'étranger, car elle représente la volonté des ulémas de faire face à ce phénomène et montre le niveau de leur engagement à défendre les droits des femmes et des filles en particulier.

Cette fatwa fut une révolution au sein de l’opinion religieuse grâce à la méthode scientifique, logique et déductive sur laquelle elle se base et les courants radicaux au sein des hommes religieux radicaux n’ont trouvé aucun grief à faire à cette fatwa.

Ce n'était pas facile de mettre en cause des préceptes religieux établis que beaucoup considèrent comme faisant partie de leurs croyances et, par conséquent cette fatwa fut considérée une véritable révolution en Mauritanie en Afrique de l'Ouest en général.

Cette fatwa constitua un outil religieux utilisé par le Gouvernement mauritanien et les organisations internationales travaillant dans le domaine pour la mobilisation aux fins de mettre fin à cette pratique

Dans ce domaine, nous avons organisé de nombreux séminaires à l’intérieur du pays, lesquels ont rassemblé des centaines d'imams et d’érudits pour signer cette fatwa et les intégrer dans une campagne générale contre ce phénomène et d'autres pratiques nuisibles à la dignité des femmes.

Pour doter les imams et ulémas d'un nouveau moyen de conviction, on a écrit un livre et un guide scientifique qui sera publié prochainement avec l'appui de la coopération allemande GIZ et dans lequel nous avons réuni notre vision scientifique et l’ijtihad qui interdisent ce phénomène.

Afin d'échanger les expériences et les connaissances avec nos frères ulémas de l’Afrique de l'Ouest et du Nord, nous avons organisé un conférence internationale en septembre 2011 avec l’appui de Unicef et du UNFPA et la GIZ sur la position de l'Islam sur les pratiques néfastes pour les femmes, conférence qui a abouti à une fatwa sous-régionale interdisant cette pratique en Amérique du Nord et de l'Ouest.

Parmi les importantes convictions que nous adoptons il y a le fait que nous considérons que l’interférence qui se produit entre les traditions et la religion n'apparaît pas seulement dans l'attachement à la pratique de l’excision, mais elle apparaît aussi dans la position sur le statut des femmes, le regard qu’on a d’elles et de leurs droits, autant de questions qui nous intéressent à cœur et sur lesquelles nous œuvrons à montrer la position de l'Islam authentique qui donne aux femmes beaucoup plus de droits que ceux dont on les traitent dans ces sociétés.

Les femmes restent toujours privées de leurs droits à l’héritage dans certaines communautés, alors que l'Islam leur a accordé ce droit il y a quatorze siècles. Les femmes n'ont toujours pas obtenu leur droit à l'éducation et l'Islam lui avait donné ce droit depuis quatorze siècles.

Les femmes demeurent privées de leur droit de participer aux affaires politiques et publiques et l'Islam leur avait octroyé ce droit depuis quatorze siècles. Sur la base de cette approche, nous considérons que l'Islam a été déformé à cause des traditions et il est du devoir des ulémas d’en préciser les justes positions sur toutes ces questions.

Cette déformation n'apparaît pas seulement dans les questions sociales mais se voit aussi dans le traitement de l'autre, le repli sur soi, le fanatisme et l'extrémisme qui constituent autant de questions qui ont porté préjudice à l'Islam et terni son image.

Nous sommes convaincus du rôle important que les ulémas doivent jouer dans le développement et l’amélioration du niveau social, moral et de développement de la nation islamique en général et dans notre société mauritanienne, en particulier Nous considérons l'Islam comme un facteur de développement et non pas un facteur de retard pour les sociétés tel qu'il apparaît superficiellement et comme certains tentent de le coller à notre sainte religion.

Forts de cette conviction, nous œuvrons de notre mieux pour élever le niveau de l'intégration intellectuelle des imams dans toutes ces questions afin que l’imam ne soit pas hors du cercle de l’action civilisationnelle et ne constitue pas un obstacle au développement des sociétés.

Dr. Cheikh Ould Zein Ould Limam