29-10-2025 16:33 - Pour une République des solidarités

Pour une République des solidarités

Mansour LY -- Repenser TAAZOUR, la CNASS et la CNSS pour une politique sociale lisible et juste La Mauritanie consacre chaque année des milliards à la solidarité. Mais les citoyens se demandent de plus en plus où va cet argent et que change-t-il vraiment dans leur vie.

Trois institutions TAAZOUR, la CNASS et la CNSS poursuivent la même mission sans parler le même langage. Il est temps de réorganiser la protection sociale, non pour réduire la dépense, mais pour lui rendre du sens. La Mauritanie s’est dotée d’une architecture sociale ambitieuse. TAAZOUR pour l’exclusion, la CNASS pour la santé, la CNSS pour les retraites.

Trois institutions, trois budgets, trois guichets pour un même objectif, protéger les Mauritaniens contre la pauvreté et la vulnérabilité. Mais à force d’empiler les structures, le pays a perdu ce qui faisait la force de son modèle, la clarté. Ce n’est plus une politique sociale, c’est un labyrinthe institutionnel où les intentions se perdent entre les guichets et les budgets.

TAAZOUR, un colosse budgétaire sans boussole

TAAZOUR devait être le moteur visible de la lutte contre l’exclusion. Une agence capable de coordonner les programmes sociaux et de renforcer la cohésion nationale. Six ans plus tard, les chiffres impressionnent, plus de 13 milliards MRU alloués en 2025, un réseau de projets et de transferts, une communication omniprésente.

Mais sur le terrain, les résultats peinent à convaincre. Les familles pauvres ne voient pas toujours les effets concrets, les doublons persistent et la pauvreté reste structurelle. TAAZOUR s’est institutionnalisée sans s’ancrer. Sa visibilité politique dépasse souvent son efficacité sociale. Cette dérive budgétivore interroge à l’heure où les citoyens attendent moins de programmes et plus de résultats.

Un pays qui dépense, mais sans cohérence

La Loi de Finances 2025 prévoit 23 milliards MRU pour la protection sociale, soit environ 7 % du budget national. C’est un effort conséquent, mais mal articulé. Les rapports internes estiment qu’environ 3 milliards MRU partent chaque année dans la coordination, les arriérés et les charges de gestion.

Des moyens considérables, mais une efficacité émiettée. Ce n’est pas le montant qui pose problème, c’est le morcellement. La solidarité mauritanienne dépense bien, mais elle dépense en parallèle. Et chaque parallèle a son coût.

La CNASS, un modèle de modernité qu’il faut relier


Créée en 2022, la Caisse Nationale de Solidarité en Santé (CNASS) porte la promesse la plus moderne du système. Son ambition, offrir une assurance maladie familiale pour le secteur informel et les travailleurs non permanents. Cotisation modeste, 700 MRU dont 450 pris en charge par l’État, guichets municipaux, plateformes numériques, conventions avec 74 structures sanitaires, la CNASS est déjà un succès.

En deux ans, 217 000 adhérents ont rejoint le dispositif. C’est le seul établissement public qui incarne la convergence entre équité et efficacité. Mais elle reste isolée. Sans lien fort avec TAAZOUR, qui gère les filets sociaux, ni avec la CNSS, qui administre les pensions, la CNASS opère seule là où la solidarité devrait être un système.

Une réforme politique, pas bureaucratique

Unifier ou coordonner ces trois institutions n’est pas un exercice administratif, c’est un choix politique. La Loi sur les Établissements et Sociétés Publics (LESP 2025) le permet, fusionner les entités aux missions proches, scinder celles qui se chevauchent et surtout, évaluer l’impact social réel des dépenses.

En réunissant les fonctions communes achats, contrôle, systèmes d’information l’État économiserait jusqu’à 3 milliards MRU par an. Mais l’enjeu est ailleurs, recréer la confiance des citoyens envers leurs institutions sociales. Quand les bénéficiaires savent où frapper et à quoi s’attendre, la solidarité cesse d’être un geste politique pour devenir une politique publique.

Le Maroc a longtemps connu le même éparpillement des programmes sociaux. En 2022, le pays a décidé d’unifier ses dispositifs en intégrant le régime d’assistance médicale (RAMED) dans l’Assurance Maladie Obligatoire, soutenue par un Registre Social Unifié.

Résultat, dix millions de nouveaux bénéficiaires, un meilleur ciblage et une gouvernance plus claire, sans explosion du budget. La réussite marocaine ne repose pas sur l’abondance, mais sur la lisibilité. Une seule porte d’entrée, un seul fichier, une seule responsabilité.

Une solidarité lisible, une dignité partagée

La Mauritanie doit s’inspirer de cette logique. Un guichet social unique, adossé à un numéro d’attribution personnel, permettrait à chaque citoyen salarié, retraité, travailleur informel d’accéder à tous ses droits sociaux, santé, pension, aide. Fini les files, les intermédiaires, les humiliations. Les retraités en seraient les premiers bénéficiaires.

Ceux qui ont servi l’État méritent de percevoir leur pension et leurs aides sans dépendre de la bienveillance d’un agent. La dignité n’est pas un privilège, c’est un droit que la République doit garantir.

Repenser TAAZOUR pour mieux unir

Réformer TAAZOUR ne signifie pas la supprimer, mais la replacer dans une logique nationale. Elle ne doit plus être une vitrine, mais un instrument de coordination et de performance. L’argent public doit aller au citoyen, pas à la structure. La réforme des solidarités, c’est celle qui fait circuler la confiance aussi bien que les crédits.

La Mauritanie n’a pas besoin de plus de slogans sur la solidarité, mais d’un État social cohérent. Unir TAAZOUR, la CNASS et la CNSS, c’est refuser la dispersion budgétaire et restaurer la justice dans la dépense.

C’est aussi dire à chaque citoyen que la solidarité n’est pas une faveur, mais une politique publique qu’il peut comprendre, mesurer et réclamer. La solidarité n’a pas besoin d’être visible, elle doit être fiable. L’État ne prouve pas sa générosité en multipliant les guichets, mais en tenant ses promesses.

Mansour LY - Juriste-consultant



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


Source : Mansour LY
Commentaires : 0
Lus : 1133

Postez un commentaire

Charte des commentaires

A lire avant de commenter! Quelques dispositions pour rendre les débats passionnants sur Cridem :

Commentez pour enrichir : Le but des commentaires est d'instaurer des échanges enrichissants à partir des articles publiés sur Cridem.

Respectez vos interlocuteurs : Pour assurer des débats de qualité, un maître-mot: le respect des participants. Donnez à chacun le droit d'être en désaccord avec vous. Appuyez vos réponses sur des faits et des arguments, non sur des invectives.

Contenus illicites : Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes ou antisémites, diffamatoires ou injurieux, divulguant des informations relatives à la vie privée d'une personne, utilisant des oeuvres protégées par les droits d'auteur (textes, photos, vidéos...).

Cridem se réserve le droit de ne pas valider tout commentaire susceptible de contrevenir à la loi, ainsi que tout commentaire hors-sujet, promotionnel ou grossier. Merci pour votre participation à Cridem!

Les commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité.

Identification

Pour poster un commentaire il faut être membre .

Si vous avez déjà un accès membre .
Veuillez vous identifier sur la page d'accueil en haut à droite dans la partie IDENTIFICATION ou bien Cliquez ICI .

Vous n'êtes pas membre . Vous pouvez vous enregistrer gratuitement en Cliquant ICI .

En étant membre vous accèderez à TOUS les espaces de CRIDEM sans aucune restriction .

Commentaires (0)