27-10-2025 11:54 - Rapport de la Cour des Comptes : Le ver est dans le fruit. Maître Taleb Khyar o/ Mohamed Mouloud*

Rapport de la Cour des Comptes : Le ver est dans le fruit. Maître Taleb Khyar o/ Mohamed Mouloud*

Les dysfonctionnements soulevés dans le rapport de la Cour des Comptes nous renvoient, entre autres, à l’insoutenabilité de la dette publique, et au désordre institutionnel qui en découle.

Au plan microéconomique, l’emprunt permet d’améliorer le cycle d’exploitation de l’emprunteur pour lui permettre d’honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers ; ce cycle est défini de vertueux aussi longtemps qu’il permettra au débiteur de faire face à sa créance, mais lorsque ce ne sera plus le cas, la relation entre les cocontractants s’en trouvera affectée, et le créancier va alors recourir à la mise en place de procédures collectives pour recouvrer son dû ; cela peut aller d’une simple formalité de redressement de l’emprunteur à sa liquidation pure et simple.

Sur le plan macroéconomique, l’emprunt a exactement la même finalité ; améliorer les actifs de l’entité publique emprunteuse pour lui permettre de couvrir son passif exigible, et respecter de la sorte son engagement vis-à-vis de ses créanciers institutionnels.

Qu’il s’agisse de créanciers privés ou institutionnels, la meilleure manière de faire perdre à l’emprunt son caractère vertueux, c’est de le détourner, sans jamais perdre de vue que tout emprunteur en défaut, que son statut relève du droit public ou du droit privé, est considéré en cessation de paiement, quoiqu’en pensent les juristes qui ne cessent de claironner la litanie insipide de la présomption de solvabilité des Etats, contrairement à ce que nous rapporte l’actualité.

Des Etats insolvables, il en existe ! C’est précisément pour surmonter cette insolvabilité due à la mal gouvernance que ces Etats vont se mettre à l’école de l’économie du contournement institutionnel. C’était le cas en région caribéenne avant que le chaos ne s’y installe.

C’est aussi le cas dans certains pays du moyen orient dont les dirigeants, croyant de la sorte pouvoir surmonter cette insolvabilité, vont se livrer sans vergogne à un trafic affiché de substances psychotropes dont ils vont envahir leur pays, ainsi que les pays frontaliers qui ne cesseront d’élever la voix contre de telles pratiques ; à titre d’exemple, la Jordanie, en réaction aux flux de tramadol (drogue de synthèse) en provenance de Syrie, sous le régime Assad ; trafic dont l’objectif recherché était de contourner les sanctions économiques pour subvenir à l’entretien d’une élite mafieuse, en rupture de ban avec le communauté internationale.

Aujourd’hui, l’économie libanaise est dans une impasse, avec une monnaie de singe, et des trafics en tous genres (armes, psychotropes……..) auxquels se livrent la population pour survivre au quotidien, mais également des milices armées pour s’entretenir et entretenir leurs membres ; les malversations financières y sont à ce point marquantes qu’elles ont mis la Banque Centrale du Liban à genoux.

L’Afrique de l’Ouest est en partie envahie par une drogue de synthèse connue sous le nom de « Kush » qui fait des ravages à tous les niveaux de la société, sous la bénédiction et le soutien des autorités en place qui en favorisent l’importation pour suppléer aux ressources asséchées de leurs Banques Centrales.

Dans la région du Sahel, certains pays abritent des Etats voyous (Failed states ) dont les dirigeants entretiennent un train de vie ostentatoire, en bradant les richesses minières qu’abritent ces territoires, et en se livrant à toutes sortes d’accointance avec les barons de la drogue, et autres trafiquants en tous genres, mettant en place une économie grise qui menace la stabilité de leur propre pays et celle des pays environnants.

Pour contourner les sanctions internationales mettant en péril la soutenabilité de son endettement, le Soudan va devenir l’un des plus grands trafiquants d’or, avant que ses dirigeants qui sont les principaux acteurs d’un tel trafic, ne finissent par se brouiller, plongeant le pays dans un chaos sans fin.

Les détournements de fonds publics conduisent mécaniquement à l’insoutenabilité de l’endettement du pays qui en est victime, ce qui a pour effet d’en faire le mouton noir de la finance internationale.

Ce pays se met alors à l’école des contournements institutionnels et à se rapprocher de structures financières mafieuses pour entretenir une bureaucratie pléthorique, corrompue et dont la seule ambition ne consistera désormais qu’à trouver des sources d’enrichissement illicite ; on se met donc à détourner les financements destinés à l’éducation, à la santé, à la justice, aux infrastructures à caractère social, le tout suivi d’une dégradation du service public ; et de fil en aiguille, on finit par pactiser avec la délinquance financière internationale, ce qui favorise et entretient le désordre monétaire ; on assiste alors à la mise en place de structures mafieuses qui viennent prendre le pas sur les institutions, puis le chaos s’installe.

Les dysfonctionnements dus à la mauvaise gouvernance se traduisent également par un ensauvagement des peuples qui n’ont plus d’autres moyens pour survivre que ceux que mettent à leur disposition la délinquance dans son ensemble, et les pactes de corruption en particulier ; cela se traduit aussi par la crétinisation des élites, qui pour se maintenir au pouvoir sont prêtes à pactiser avec le diable, y compris en dissimulant une partie de la dette publique afin d’induire les bailleurs de fonds en erreur sur une solvabilité factice, trompeuse, usurpée.

Les dégâts ne s’arrêtent pas là ! Il faut également mettre les institutions à terre pour que la mal gouvernance puisse prospérer.

La première des institutions à désorganiser est la justice par sa caporalisation, pour qu’elle soit en phase avec les nouvelles ambitions politiques de la nomenklatura qui voudra s’éterniser au pouvoir ; on se met à modifier les constitutions ; les cours et tribunaux deviennent un rempart pour tous les trafiquants qui s’y sentent protégés, et qui donc pourront à loisir se livrer en toute impunité à leurs actes répréhensibles ; la délinquance financière se développe avec la complicité de magistrats véreux, et au-delà se développe également la délinquance de droit commun, et peu à peu la confiance en une justice républicaine se détériore, pour laisser place à une justice de la vendetta.

Il faut également mettre au pas les partis politiques considérés comme appartenant à l’opposition ; la solution toute trouvée est de les enrôler à l’école du néo- corporatisme, faisant d’eux des officines du pouvoir tout en préservant leurs statuts de partis politiques ; il s’agit en somme d’encourager la mise en place d’une opposition apparente qui n’a d’opposition que le nom ; il va de soi que les leaders d’opinion qui n’acceptent pas ce statut de néo corporatistes seront écartés de la scène politique.

Pour compléter le tableau de chasse des acteurs de la mal gouvernance, il faut que le rôle de la société civile, mise à l’écart du fait de la captation de sa mission par les néo corporatistes, continue à se réduire comme peau de chagrin, en vue de sa disparition à terme.

*Avocat à la Cour.

*Ancien membre du Conseil de l’Ordre.





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Commentaires (1)

  • tokossel2222 (F) 27/10/2025 12:42 X

    Il faut augmenter dans les dégâts encore, des retraités qui continuent à exercer des fonctions dans les entreprises sous forme de contrat et bénéficient de tous les avantages.