11-09-2025 15:51 - Mauritanie-Mali, à la recherche d’une confiance perdue

L'Authentique -- La tension monte entre Nouakchott et Bamako. La confiance entre les deux voisins est largement entamée. Des voix de part et d’autre des frontières s’élèvent aujourd’hui pour que le différend ne conduise à une rupture préjudiciable aux deux peuples. Analyse.
Tous les ingrédients d’une crise latente sont aujourd’hui réunis entre la Mauritanie et le Mali. Une accumulation de faits qui se sont produits courant 2025 est le prélude à une escalade diplomatique qui se corse de jour en jour.
Pourtant, l’histoire retient que la Mauritanie et le Mali sont étroitement liés par des relations séculaires, le même espace géographique, les mêmes empires, des liens de sang, un passé colonial presque commun et des indépendances partagées.
Quand Nouakchott servit d’ouverture
Lorsqu’en 2022 et malgré les pressions, la Mauritanie refusa d’appliquer les sanctions décrétées par la CEDEAO contre le Mali, ce dernier n’avait d’autre ouverture sur le monde et pour ses exportations que le port de Nouakchott.
Plusieurs universitaires et intellectuels mauritaniens, à l’image de l’ancien colonel de l’armée mauritanienne, El Boukhary Mohamed ou encore l’universitaire Mohamed Ould Mohamed El Hacen, avaient à cette époque commenté la visite à Nouakchott d’une forte délégation malienne venue plaider le maintien de l’ouverture des frontières.
Le Ministre des Affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop avait déclaré après son entrevue avec le président Ghazouani, « le Mali peut toujours compter sur la solidarité de son voisin ».
Pour les deux experts ci-haut cités, « une fermeture officielle de la frontière entre la Mauritanie et le Mali ne serait d'ailleurs que théorique en raison des populations en partie nomades vivant dans la zone frontalière. »
La Mauritanie se tait sur les bavures
Dans le cadre de sa volonté à maintenir les bonnes relations de voisinage avec le Mali, les autorités mauritaniennes se sont toujours tues sur les nombreuses bavures de l’armée malienne et de sa milice russe, Wagner. Plusieurs citoyens mauritaniens, commerçants, éleveurs ou simples voyageurs, ont en effet été massacrés, égorgés, brûlés ou enlevées le long de la frontière.
Des villages entiers de Mauritaniens vivant, sous les vicissitudes de frontières mal tracées, sur le sol malien ont subi les mêmes drames. Malgré les appels à la vengeance et malgré les critiques lancées contre l’armée mauritanienne accusée de passivité face à ces exactions, Nouakchott a toujours choisi la sagesse et les voies diplomatiques.
Le camp MBerra
Le Camp de MBerra, situé à l’extrême Sud-Est de la Mauritanie, accueille depuis 2012, plus de 100.000 réfugiés maliens ayant fui la guerre dans leur pays, selon les chiffres de 2024.
Le camp, géré par le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), en collaboration avec les autorités mauritaniennes, bénéficie aussi de l’apport de plusieurs organisations nationales et internationales, telles que l’UNFPA, l’UNICEF, le PAM, l’OIM, entre autres. C’est le plus grand camp de réfugiés maliens. Le signe d’une solidarité agissante de la Mauritanie.
La question migratoire
La gestion du dossier de la migration, après l’accord avec l’Union européenne, est la principale cause de discorde entre la Mauritanie et le Mali. En effet, des milliers de Maliens ont été expulsés de la Mauritanie depuis mars 2025, à la suite d’une campagne tous azimuts lancée contre les étrangers en situation irrégulière et les filières de passeurs.
Les incidents, agrémentés de rumeurs de maltraitance qu’auraient subi les refoulés maliens, ont conduit à des échanges de visites d’officiels maliens en Mauritanie et d’émissaires mauritaniens au Mali.
Choix géostratégiques et rumeurs de soutien aux djihadistes
Confrontés à une constellation de groupes terroristes sur son sol, la junte malienne arrivée au pouvoir en 2020 a pris plusieurs options, rupture avec la France et rapprochement avec la Fédération de Russie, arrivée de milices russes Wagner. Dès lors, le Mali surveille les alliances de ses voisins.
Le rapprochement entre Nouakchott et l’OTAN est ainsi vu d’un mauvais œil au Mali qui partage plus de 2.000 kilomètres de frontières avec la Mauritanie. Souvent, Bamako accuse Nouakchott de servir de base arrière aux bandes terroristes qui sévissent sur son sol malgré les démentis répétés des autorités mauritaniennes.
Dernières rumeurs en date, les informations largement relayées selon lesquelles la Mauritanie servirait de terre de transit aux armes ukrainiennes destinées aux groupes terroristes au Mali, dans une sorte de prolongation de la guerre contre la Russie.
Là encore, le démenti officiel de la Mauritanie ne semble pas avoir convaincu le Mali. Résultat, plusieurs commerces appartenant à des Mauritaniens sont fermés et la frontière interdite aux éleveurs et transhumants mauritaniens.
Cheikh AIdara