10-10-2012 10:44 - Hommage au frère martyr du devoir et du sens de la fidélité, au Colonel M.L. Ould N’Deyane.

Hommage au frère martyr du devoir et du sens de la fidélité, au Colonel M.L. Ould N’Deyane.

Cher Mohamed Lemine.
Ton soudain départ, par la volonté d’Allah, laisse un grand vide chez tous ceux qui t’ont connu. Tout naturellement, je t’ai rencontré pour la première fois à Chinguetti.

C’était l’été de l’année 1956, celle de « l’agression tripartite » contre l’Egypte. Tu étais un petit chérubin sec, nerveux, mais plein, maa chaa Allah, d’énergie et armé d’une belle volonté… J’étais, moi, gonflé par l’ importance de mon titre: élève du Lycée Faidherbe de Saint-Louis.

Je te snobais préférant la compagnie de ton frère aîné Béchir qui disparaîtra, par accident, une ou deux années plus tard, victime déjà du sens du devoir et de son précoce courage. Sorti de mon paysage jusqu’en juillet 1978, je te retrouvai aux côtés de tes chefs fraîchement intronisés membres du Comité Militaire de Redressement national.

Quand on te présenta à moi, j’ai cru lire dans ton regard un défi ou quelque chose comme: » tu croyais que le petit Lemine ne saurait grandir? » Il avait grandi, et bien grandi, en effet…

Plus tard nos chemins n’ont cessé de se croiser, se rejoindre, puis se confondre. Et notre amitié ( ou bien mieux, notre fraternité) n’a cessé, elle, de se renforcer. C’est surtout votre désignation en qualité de Ministre des Affaires étrangères, trois ans durant, qui me permit, étant votre principal conseiller, de mieux vous connaître, de mieux vous estimer. Vous n’étiez pas le chef de diplomatie la tête pleine, la plume rapide et plein de verve.

Vous étiez, au contraire, l’anti-intellectuel, mais l’homme capable de réalisations concrètes. Vous ne finissiez jamais vos phrases en parlant et vous aimiez si peu l’écriture et les raisonnements sophistiqués. Vous agissiez et vous étiez bien mieux, parce que beaucoup plus vrai. Plus vrai car, en contre-courant d’une habitude qui devient tendance chez les « Petits » et les « Grands » de ce monde, vous ne mentiez pas; vous ne biaisez pas.

Trop direct pour jouer ou pour ménager, vous sembliez parfois brutal, sec et insensible. Faux! Mohamed Lemine était la sensibilité même, la compassion, la charité. Malgré ses nerfs à fleur de peau, son extrême nervosité, il était d’une grande patience pour écouter et d’une étonnante capacité à se dominer. Mais mon colonel d’autres rares qualités faisaient de vous un homme assurément hors du commun.

Ainsi votre courage physique dont vous sembliez vous en excuser, comme la fois ou une panne sérieuse d’ un avion de ligne vous a laissé impassible, non concerné. Votre honnêteté, totalement éloignée de tout calcul et de toute démagogie était naturelle, innée. Je ne la cite que parce qu’elle est devenue une denrée si rare. Elle doit, par ce fait, être mentionnée. Cette honnêteté là était totale: dans vos rapports avec les autres, dans l’expression de vos opinions, dans l’acceptation de vos torts et, bien sûr, dans votre scrupuleuse manière de gérer les biens publics.

Généreux? Bien sûr. Difficile d’être élevé auprès de votre père et de ne pas l’être. Non pas que vous n’ aviez pas de mérite strictement personnel à être si disponible pour écouter les autres, pour les aider et pour les secourir, sans rien attendre d’ eux en retour. Mais votre éducation familiale, le magnifique exemple que constituait N’Diayane vous ont prédestiné à toujours servir, avec extraordinaire altruisme, votre prochain.

Contrairement à tant de parvenus, vous ne cherchiez jamais à dominer ou humilier l’autre: ni par des coûteuses tenus vestimentaires, ni par le luxe insolent de bolides, ni par les prestigieux titres par vous collectionnés et notamment: la direction générale de la sûreté, le gouvernorat de Nouakchott, le ministère des Affaires étrangères, la permanence du Comité Militaire, La direction de L’EMIA; L’Etat-major inter-armes…Mohamed Lemine est resté le même: modeste, pieux, disponible, échappant à la corruption de l’argent ou de la vanité!

Je n’agresserai plus ni votre modestie, ni votre timidité. Je termine cet adieu, en te souhaitant d’aller te joindre dans le « Firdaousse » les gens de ta qualité: les pieux, les humbles, les généreux, les propres. En présentant mes condoléances à Aichatta, Béchir, les filles et le petit héritier je dis, acceptant humblement la volonté du Clément et Miséricordieux, » Ina lillahi wa ina Ileyhi rajioune» (nous sommes à Allah et à lui nous retournerons).

Nouakchott le 10 Rabii AL thani 1424 et le 11 juin 2003.

Votre frère dans cette vie et dans l’au-delà: Mohamed- Saïd Ould Hamody.


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Commentaires (8)

  • geronimo (H) 11/10/2012 04:17 X

    Le Colonel Ndiayane, Officier de valeur, grand patriote, assassiné par les baathiites et naasséristes, mercenaires putschistes du 08 juin 2003. Reposes en paix !!!

  • historien9 (H) 10/10/2012 15:36 X

    Je suis entièrement de l’avis de mdmdlemine. Le DOYEN, qu’Allah lui accord une longue vie en bonne santé, doit écrire ses mémoires, toutes ses mémoires. En effet, comme l’a si bien dit Feu Ampathé Ba, Allah yarehmou, quand un vieillard meurt c’est une bibliothèque qui brule.

    Je me rappelle, dans ma crainte de voir des gens disparaitre avec des connaissances qu’ils doivent laisser derrière eux, au même titre, sinon plus, qu’un héritage matériel, je me souviens donc que je souhaitais que des hommes, maintenant disparus, comme Sall Amadou Clédore, Allah yerehmou, aient écrit leur mémoires. Fort donc de cette expérience, je prie mon grand frère d’accéder à notre demande, mdmdlemine et moi.

    Pour revenir à Feu Mohamed Lemine, je crois que mon grand frère a omis, dans le parcours du défunt, le poste de ministre des pêches et de l’économie maritime. Je me rappelle à cet effet d’une anecdote que je n’ai jamais vérifiée. Il parait que quand il était ministre de pêches, il avait effectué une visite de travail à Moscou. Le vice-ministre russe, voulant certainement temporiser l’ardeur de son hôte, a fait de telle sorte qu’il a mis à sa disposition pour lecture des document qu’il avait signés, en sa qualité de chef de service, l’année de la naissance de Mohamed Lemine dont il a pris connaissance auprès du protocole qui s’occupait des formalités d’arrivée de notre délégation.

  • dhamza (H) 10/10/2012 14:53 X

    Merci à l'Ambassadeur Mohamed Said Ould Hamady d'avoir rendu ce vibrant hommage à cet officier que j'ai cotoyé pendant cinq ans à la Mosquée Séoudienne de Nouakchott. Sa simplicité m'a beaucoup frappé. Je le voyais de loin au moment oü il était permanent du CMSN.

    Les témoignages qui me sont parvenus se résument à deux mots plein de signification : humble et honnéte.

    Les autorités de ce pays se devaient d'honnorer la mémoire de ce vaillant officier qui n'a vécu qu'avec sa solde d'officier. Qu'Allah le Tout Puissant lui accorde une place de choix dans le Jenatoul El Firdaouss, ains que tous les martyrs.

  • mohamed hanefi (H) 10/10/2012 13:57 X

    Merci excellence de nous avoir rappelé qu'en Mauritanie, il y-a et il y a eu de grands hommes. Vous vous souvenez de cet homme parce que vous-même vous êtes grand et généreux. Moi je n'ai connu Ndiayane que pendant une période ou j'étais incorpore pour le service militaire obligatoire.

    Beaucoup d'attitudes dans ma vie restent marquées par l'enseignement de cet homme qui était mon chef direct. Longtemps après que j'eu quitté le service, je me suis souvent rappelé du "Vooh" de Ndiayane. Une abréviation de "Garde a vous", qui voulait dire en cette période et pour nos jeunes esprits: criez fort et levez la tête, vous êtes les bras et la force de la Mauritanie.

    Encore merci excellence. Votre témoignage est autant touchant que précieux.

  • mdwessat (H) 10/10/2012 13:41 X

    Un hommage qui se laisse lire, parce qu’il émane du cœur d'un homme sage, parce que fidèle à la réalité du colonel N'deyane, mais aussi parce que, bien écrit, simplement et naturellement...

    L’anecdote de Mr aboumbom ci-dessous, est également touchante, et très édifiante sur la bonté et l’humanisme de ce grand Martyr, qualités qu’il tire d’ailleurs de son honorable famille.

    Allah Yrahmou ou Yarham Waldeine, ou lmouminine ejmahine.

  • hamewarga (H) 10/10/2012 13:16 X

    Qu'Allah le pardonne; mais doyen Said comme vous êtes une référence historique nous voulons réellement quel est le nom du defunt ; C'est Ould Ndeyane ou Ould Ndiayane, c'est important pour les hommes et pour l'histoire. Car il serait trés tôt de falsifier l'histoire;

  • aboumbom (H) 10/10/2012 12:01 X

    Je profite de cet hommage du Doyen Mohamed-Said Ould Hamody pour raconter cette anecdote à jamais gravée dans ma mémoire:

    un jour, à l'heure où "les hommes de bonne volonté" - les vrais responsables - regagnent leurs bureaux, j'ai vu Ould N'Deyane s'extraire de sa voiture (je ne sais quel poste il occupait à l'époque) mais était en tenue militaire, se dirigeait vers une mendiante assise au niveau de l'hôtel Marhaba, lui remettre quelque chose avant de soulever dans ses bras le petit qui était assis à ses côtés. Ce geste m'a marqué à jamais et c'est le seul qui me permet de dire aujourd'hui que Ould N'Deyane était un homme de bien.

    SNEIBA MD

  • mdmdlemine (H) 10/10/2012 11:04 X

    ce vibrant hommage de MSH mérite d'être largement médiatisé en raison de ses qualités spatiotemporelles et académiques incontestables. Un hommage agréable à lire de bout en bout, en raison de feu le personnage, de l'auteur, du style et des moments historiques que l'homme encyclopédie "ma cha allah" Mohamed Said Ould Hamody rend vivants devant nos yeux comme une réalité.

    On constate depuis une certaine période qu'Adrar.info distille au compte goutte des mémoires de MSH que bon nombre de mauritaniens espèrent voir sortir dans un recueil capable d'être tiré en plusieurs milliers d'exemplaires, placé aux musées, dans les hôtels et les bibliothèques voire même dans les écoles pour des besoins d'illustrations des générations futures sur la mère patrie, il y a quelques décennies.

    Khayar semble avoir la grande chance d'avoir l'exclusivité de certaines mémoires de Md Said Ould Hamody, toujours égal à lui même au style passionnant, presque l'unique lettré de ce pays à éclairer les générations présentes et futures sur des moments clés de l'histoire de la Mauritanie.

    Longue vie à Mohamed Said Ould Hamody qui a su bien perpétré les grandes valeurs des ces ancêtres. Sans doute, Saviya et les autres sauront lui emboiter le pas. attendons et voyons