Cridem

Lancer l'impression
14-07-2025

10:33

Ghazouani, ou la politique de la posture : fort en façade, faible en actes Par Mohamed Fall Sidatt

Mohamed Fall -- Il existe dans la culture maure un adage à la fois cruel et révélateur : « Tout le monde est plus fort que moi, et moi je suis plus fort que ma femme. » Cette maxime décrit avec une acuité saisissante une posture que l’on retrouve chez certains dirigeants : celle de la soumission face aux puissants, et de l’arrogance envers leur propre peuple.

C’est à elle que j’ai aussitôt pensé en regardant le président Ghazouani, visiblement mal à l’aise, presque tremblant, lors de sa rencontre avec Donald Trump à Washington.

Cette image, captée par les caméras du monde entier, devenue depuis la risée des réseaux sociaux, tranche radicalement avec le personnage qu’il s’efforce d’incarner depuis plus de trente ans : celui d’un général imperturbable, homme de sang-froid et de principes. Ce contraste brutal révèle un fossé béant entre la légende patiemment construite et une réalité crue, exposée sans filtre à l’échelle internationale.

Mais ce malaise diplomatique n’est pas qu’un simple faux pas protocolaire. Il illustre un mal bien plus profond : l’incapacité chronique du président à incarner une Mauritanie digne, crédible et respectée hors de ses frontières — tout en cultivant, à l’intérieur, l’image factice d’un « homme fort ». Une posture qui s’effondre dès que le décor change.

Et cette dissonance entre façade et réalité, les Mauritaniens la vivent au quotidien. Je pense à cette fameuse loi de remouz qui érige le président en symbole sacré de l’État, et jette en prison quiconque ose le critiquer. Une démonstration creuse d’autorité, destinée uniquement à entretenir une illusion de puissance.

Je pense encore à cette déclaration théâtrale contre le Mali, après plusieurs violations de notre territoire :

« Si vous cassez un vase chez nous, nous casserons tous les vôtres. Si vous déchirez une guerba, nous déchirerons toutes les vôtres. »

Des mots tonitruants… suivis d’aucune action. Une rhétorique de posture, sans politique. Et que dire de l’intimidation injustifiée contre Biram Dah Abeid, à Dakar, alors qu’il célébrait en famille la réussite scolaire de ses enfants ? Un acte absurde, révélateur d’une peur maladive face à ceux qui incarnent une autre forme de légitimité : celle du courage, du mérite et de la lutte.

Ou encore ce jeune homme, contraint de s’excuser en direct sur les réseaux sociaux pour espérer recouvrer sa liberté. Une scène sinistre, indigne d’un État de droit. Une méthode qui évoque davantage la mafia que la République.

La liste est longue, mais inutile d’en faire l’inventaire. L’essentiel est ailleurs. L’épisode de Washington n’est pas anodin. Il est le symbole d’un système de gouvernance fondé sur l’illusion : faire peur aux siens, baisser les yeux devant les autres. Un pouvoir qui préfère l’intimidation à l’inspiration, et l’esbroufe à la vision.

La question désormais ne peut plus être éludée : jusqu’à quand allons-nous tolérer l’incompétence d’un homme manifestement dépassé par la fonction qu’il occupe ?

Présenter notre pays comme un « petit Pays », peu peuplé, sans moyens ni influence, n’est pas une stratégie de communication — c’est une faute politique majeure. Et cette faute aura un coût. Gouverner, ce n’est pas s’entourer de courtisans.

Ce que le monde a vu lors de cette visite, c’est le véritable visage d’un pouvoir à bout de souffle : un président hésitant, une diplomatie balbutiante, incarnée par une ambassade désorganisée, incapable d’anticiper, de conseiller ou de gérer le moindre détail protocolaire.

Il est temps pour les fils et filles de ce pays de dépasser leurs clivages — qu’ils soient personnels, ethniques ou politiques — pour défendre ce qui peut encore être sauvé. Car si nous continuons à louer le pouvoir en public et à le critiquer en privé, c’est une débâcle nationale que nous préparons.

Et le jugement de l’Histoire, lui, ne tremblera pas.



Les articles, commentaires et propos sont la propriété de leur(s) auteur(s) et n'engagent que leur avis, opinion et responsabilité


 


Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence www.cridem.org