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La belle vie d’Atar et….. Messaoud Belkhair
 
						
						
						
					
Adrar-Info - Entre les années 40 et 70 du siècle  dernier, la ville d’Atar vivait le  TOP de son épanouissement. Sa position de relais entre le Maghreb méditerranéen et l’Afrique de l’Ouest,  via la route transsaharienne Alger – Tindouf- Atar- Saint Louis du Sénégal  et les pistes Gleimine Marocain  -  Villa Cisneros Espagnole – F’Derick -Atar, faisait d’elle une plaque commerciale vivante et une position militaire stratégique évidente.
 Aux habitants autochtones sont venus s’ajouter des milliers de personnes de diverses nationalités, ethnies, pays et régions. En plus des nombreux commerçants venus du Maroc et  travailleurs de l’administration, des sociétés de transport «  Lacombe », de construction «  La Dumez », d’approvisionnement  « Peyrissac » , il y’a  10.000 militaires Français basés à Atar dont  la plupart sont des Africains, malgaches, Martiniquais, Indochinois…
La ville dispose, dans certains quartiers de l’électricité domestique. Son aéroport reçoit  au quotidien les avions de la compagnie Air France, les jets de l’avion privé du pilote Gallouedec, les avions bombardiers  « criquets jaunes », les cargo «  Le Nord », les hélicoptères et d’autres divers aéronefs.
					
					
						
											
						
Dans la ville circulent  des centaines de vélos « Champion », motocyclettes Solex et Lambretta, des « 2 CV » Citroën, des 404 Peugeot, des citernes, camions Berliet, GMC, des Jeep ,Dodge militaires et Lan Rover.  Les boutiques, shop et magasins  vitrées ,exposent toutes sortes de marchandises.
Les productions de dattes,  céréales et légumes sont abondantes et submergent le marché principal. Les boulangeries, pâtisseries, restaurants fument à longueur de journée et de nuit. La ville dispose de son cinéma «  Maston », d’un stade sportif, piste d’athlétisme et ses équipes de foot Ball. Les enfants filles et garçons fréquentent l’école moderne. D’aucuns parmi eux sont scouts ou pionniers.
Les populations autochtones libérées du joug féodal et colonial respirent enthousiasme et  joie de vivre.  Dans les quartiers, l’ambiance est toujours gaie. L’après midi  à Kanaoil c’est  la lutte traditionnelle At3az, le Hib d’agilité et le concours de  musculation pour port de la pierre d’essai «  Hajritt Rowth ».  A Lebreiza se pratique  la très belle danse du fusil Degdada. 
 A M’barka Amara, les troupes folkloriques Ould Dweiry animent les  Bendje et Medh . A Aghnomritt,  le lancer des parachutistes, manœuvres et parades militaires  drainent  de nombreux curieux. A Garn El Gasba l’atmosphère autour de la  «  Popote » est électrifiée par les Kermesse, Tombola, les  plongées dans la  piscine, soirées théâtrales, musicales et dansantes. Pourtant aux heures de prière, la mosquée ne désemplit  de fideles probes et sincères.
Dans les avenues, rues et ruelles se croisent des sérères, Chleuhs, Mandingues, Mossi, Peuls, Haratins,  Bambara, Maures, Malgaches, Français de souche, Soninkés, Canariens…..Il y’a aussi beaucoup de fous, arlequins, clowns, proxénètes , gordiguenes.
La cohabitation entre les divers groupes sociaux  se transforme  en brassage ouvert. Les carcans, tabous et préjugés retardataires  ont sauté. Les liaisons  filiatives issues de métissage   ont tissé de larges réseaux de consanguinité  parentale. Désormais chacun est frère, cousin, gendre ou oncle de l’autre, quelque soit sa race, son ethnie ou son origine sociale.
Les filles et jeunes femmes sont affranchies et éveillées. Elles égayent par leur présence,  toutes les manifestations politiques, sociales et culturelles. Elles  s’habillent, se coiffent, se chaussent à la dernière mode. Leurs parents sont tolérants. 
La plupart d’entre ces filles, disposent d’une chambre à elle au foyer familial, dans laquelle elles  reçoivent leurs copines et amis  autour d’un thé, musique ou autre divertissement. Certaines fument les cigarettes, Gitanes, Gauloises  ou Viking. Elles savent porter leur regard et leur choix dans la vie.
Dans ce cadre,  les «  dit-on » Atarois listent  les  jeunes hommes «  Gata3 Leglayed » (épavistes de colliers ou seducteurs) en leur temps.   Messaoud Ould Belkhair y était cité  à l’instar de la plupart des commis de l’administration venus de leur Charg ou Guebla natal exercer  à Atar vers les années 60 . 
Tels  les officiers Bouceif, Yall, Sidina, saint Père, Sidiya,  les commissaires Negib , Ly Mamadou, les enseignants yedaly, Traoré et tas d’autres. .. Messaoud  avait tous les atouts  pour  semble-t-il pour attirer les regards de filles. Il était jeune, la vingtaine à peine, bien dessiné physiquement, teint rouge clair, carrure sportive. 
Il soignait sa tête avec la brillantine et la peignait sans cesse. Il s’habillait galamment. Il parlait français, travaillait pour le Makhzen (commandant de cercle, gouvernorat) et percevait  un salaire mensuel. Que cherche-t-on de plus ?
48 années plus tard quand Messoud Ould Belkhair candidat en 2009 à la magistrature suprême de l’Etat, vint à Atar dans le cadre de sa campagne électorale, il ne put retenir ses larmes après s’être rappelé  sa jeunesse : « L’Adrar a marqué mon esprit et contribué à raffermir en moi l’amour de la liberté et de l’indépendance…….
J’ai constaté qu’en Adrar les chérifs, les hommes de caste, les guerriers, marabouts et autres travaillent tous manuellement  la terre alors que dans mon Charg natal, seuls les esclaves et Haratins font ce travail. C’est ce système social d’égalité qui a semé en moi l’idée de lutte pour les libertés et droits humains ».   https://issuu.com/adrar.info/docs/adrar_info004/1
(Que Dieu accorde à Messaoud longue vie, beaucoup de santé et l’aide à réaliser ses ambitions de faire de la Mauritanie une terre de paix de justice et d’égalité).
Vers 1965, avec la naissance de la capitale Nouakchott , la mise en exploitation des mines de fer de Miferma, et le retrait sur Dakar  des soldats Français , la ville d’Atar commença à se vider de ses riches commerçants, ses familles aristocrates et ses jeunes.
Ely Salem Khayar