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Griots et modernité est ce compatible ?
						
						
						
					
Adrar-Info - Dépossédés  de leur rôle «  de dépositaire  de la tradition orale, conteur des mythes et chanteur  des apologies du passé » par les tenants  des nouvelles technologies  de communication et sciences de recherche , nos spécialistes de la Tidinit et de l’ardine  se  cherchent aujourd’hui , une voie de survie bien difficile, dans un monde de concurrence matérialiste acharnée.
 «  La caste des griots est née puis développée dans un contexte où l’écriture était inexistante. Le griot est ainsi considéré comme étant notamment le dépositaire de la tradition orale.
 Les familles griotiques sont spécialisées soit en histoire du pays et en généalogie, soit en art oratoire, soit en pratique musicale. Les principaux groupes de griots ou communicateurs traditionnels sont appelés Igawen en Hassanya ,djéli en mandingue, guéwël en wolof et gawlo chez les toucouleurs» (Wikipédia ).
					
					
						
											
						
Le terme « griot »  est donc  un qualificatif, un métier,  un titre attribué à : tout   personnage qui a pour fonction de raconter des mythes, de chanter et/ou de raconter des histoires du temps passé. Il ne s’agit pas d’un statut héréditaire ni marque biologique indélébile.
On ne nait  pas griot, tisserand, guerrier, marabout, forgeron ou pécheur….On le devient.
Et il  n’y’a pas à cela meilleure attestation que  le Coran: « Ô hommes!  Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, afin que vous fassiez connaissance entre vous.  Certes, le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu, est celui qui a la meilleure conduite.  Certes, Dieu est Omniscient et très bien informé. » (Coran 49:13).
Ou encore, la  Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : «1 - Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. 
 2- Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.»
Vie des griots par le passé.
Pierre Bois    dans sa publication  « Azawan, l’art des griots » écrivait : « Jusqu’à la pacification de la Mauritanie par les Français au début du XXe siècle, la musique azawan répondait à deux besoins : d’une part l’éloge des guerriers et la satire de leurs rivaux, d’autre part le divertissement et le plaisir lors des veillées dans les campements …..
Autrefois, il était impensable qu’un chef de tribu se déplaçât sans son griot. Celui-ci assistait aux audiences et aux rencontres officielles et, se saisissant parfois du sujet discuté, il ne se privait pas d’improviser des quatrains mettant en lumière les qualités de son patron. La joute poético-musicale participait donc directement des querelles innombrables qui opposaient les tribus.
  Avec la pacification et la sédentarisation relative du pays, cette fonction essentielle du griot a considérablement perdu de son importance, et ne se manifeste plus guère qu’à l’occasion des campagnes électorales, lorsque les candidats font appel à des griots pour soutenir leur propagande, magnifier leur image et affirmer leur enracinement dans une tradition culturelle séculaire ».
S’adapter au monde d’aujourd’hui
Passer de personnage  méprisé ou craint dans l’ancienne hiérarchisation pyramidale  de la société  pré-coloniale à citoyen  civilisé, exerçant un métier moderne (y compris musicien professionnel) qui  lui assurerait  digne  existence, est un combat quotidien que tente de gagner chaque  descendant d’anciens griots.
D’aucuns y ont bien réussi  dés les premières années de l’indépendance nationale et  se sont émancipés de cette tare du passé, en devenant ingénieurs, avocats, officiers supérieurs, docteurs etc.. D’autres, n’ont  jamais été considérés ou traités  de « griots » car  ils ont  vite tourné la page pour s’adapter avec brio aux exigences de l’heure. 
 Il s’agit de nos idoles des années 70 : L’éternel élégant, aimé  et adulé de ses concitoyens,   El Hadrami  Ould Meydah  et   les féeriques filles Emnatt Nanna , père, mère et frères.
Quelques  années plus tard, sont aussi  sortis  de la «  caste des griots », la future sénatrice Maalouma Mint El Meydah avec son « Habibi Habeytou en Tunisie » qui lui a inspiré la composition de son nouveau  groupe musical multiracial ; Les musiciens  Ismael  Lo et  la parisienne Tahara mint Hembara, porteurs des voix Mauritaniennes en occident. Et bien sûr  le couple Imad Dine  (le Syrien) et son épouse Loubaba , pour ne citer que peu d’ exemples parmi nombreux  autres.
Griots, séquelle du passé ?
Des compatriotes s’accrochent à la roue de l’histoire tentant, autant que  faire  se peut, de la freiner  aux fins de maintenir la «  Mauritanie du bon vieux temps ». Ils sont encouragés et aidés en cela par  les  TV locales qui, sous le couvert  fallacieux de «  préservation du patrimoine culturel», projettent   à longueur de jour et de nuit, des séances simulées d’échanges musico poétiques (vides de sens éducatif) et  de thé sous tente équipée d’ustensiles  et servitudes, bons à ranger au musée national.
Ce  « bon vieux temps »  qu’ils louent  est celui des moyens rudimentaires, des inégalités sociales, de la loi du plus fort, du campement aux tentes stratifiées autour de celle du chef, des guerres fratricides, de l’ignorance.
Ce temps là est (à priori) révolu.  A moins que  les Daechistes de l’« Etat Islamique » et/ou  leurs semblables   obscurantistes, ne l’exorcisent  pour le malheur de l’humanité. Qu’à Dieu ne plaise !!!
Comme «  toute séquelle du passé »,  griot, Iguiw, djéli, guéwël et gawlo au sens traditionnel du terme, prendront  encore assez  de  temps, avant de se laisser éliminer   du langage et des mentalités.
En attendant, l’avenir appartient aux jeunes ,les personnes âgées  …le paradis.
Ely salem Khayar