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Le Maghreb se prépare pour l'aïd al-Adha
Les habitants du Maghreb sont déterminés à célébrer l'aïd al-Adha, mardi 15 et mercredi 16 octobre, malgré les inquiétudes relatives à la sécurité, aux agitations politiques et aux contraintes financières.
En Libye, les assassinats et les attentats à la bombe persistent, mais les familles espèrent mettre leurs craintes de côté pour l'occasion. Et elles sont déterminées à célébrer l'aïd malgré le renchérissement des prix. Les prix du mouton ont grimpé jusqu'à plus de 500 dinars (environ 300 euros), parce que de nombreuses bêtes ont péri durant la guerre.
Cette année, il se pourrait bien que les Libyens mangent des moutons venus de l'étranger. Le pays en a en effet importé d'Espagne, de Roumanie et d'ailleurs.
"Les marchés aux moutons sont très fréquentés, mais personne n'achète rien. Les gens ont acheté les vêtements de l'aïd en août dernier, les fournitures scolaires le mois dernier, et ils veulent aujourd'hui acheter des moutons. Cela grève le budget des familles", a expliqué Soad Beshir, professeur dans une école primaire à Tripoli.
Certaines organisations de la société civile ont décidé de fournir des moutons aux personnes à faible revenu pour les aider à célébrer l'aïd. "L'aïd intervient dans une situation sécuritaire difficile. Mais les Libyens réussissent toujours à le célébrer malgré les conditions sécuritaires instables", a expliqué Fathi Ben Ahmed, ingénieur de 36 ans.
La Tunisie ressent l'impact financier
Les familles tunisiennes ressentent elles aussi l'effet de la hausse des prix. Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Chedli Ayari a reconnu que la situation économique et financière du pays était critique. Les Tunisiens le ressentent dans leur vie quotidienne, mais ils souhaitent néanmoins acheter un mouton et célébrer l'aïd al-Adha.
"Je vais devoir acheter un mouton espagnol", explique Lamia Maqidi à Magharebia. "Ils sont moins chers que les moutons d'ici. Le problème, c'est le coût des produits pour les préparer."
Le prix des moutons tunisiens s'échelonne entre 150 et 220 euros, alors que ceux venus d'Espagne ne dépassent pas 150 euros.
Le prix des moutons décourage les Algériens
La même ambiance se retrouve sur les marchés algériens. De nombreux chefs de famille préfèrent attendre les tout derniers jours, dans l'espoir que les prix baisseront, mais il est difficile de résister à l'insistance des enfants qui veulent avoir un mouton comme leurs voisins.
À Djelfa, les prix ont atteint des sommets jamais encore égalés. Rachid Douadi, un vendeur, attribue cette hausse des prix au coût élevé des aliments pour le bétail. "Nous sommes obligés d’acheter ces aliments au marché noir, au prix fort", explique-t-il.
Aziz Deraoui, enseignant à Alger, explique pour sa part que "les prix dépassent les salaires mensuels des Algériens moyens. Pourtant, comme vous le constatez, il y a une grande affluence d'acheteurs." "Beaucoup de parents vont jusqu’à s’endetter afin d’acheter un mouton, surtout que l’aïd intervient juste après la rentrée scolaire, qui a saigné leurs économies", ajoute-t-il.
La hausse des prix vide les poches des Marocains
Les Marocains se plaignent eux aussi des prix des moutons. Pour répondre à cette inflation, de nombreuses personnes s'adressent à des instituts de crédit.
Najia Marouani, une employée, a dû emprunter 5 000 dirhams (445 euros) pour acheter ce dont elle a besoin pour l'aïd. "Je devrai rembourser 500 dirhams [45 euros] par mois, je n'ai pas d'autre choix", explique-t-elle.
Jaouad Tourabi, lui aussi salarié, explique qu'il aujourd'hui plus de 2 000 dirhams (178 euros) pour acheter un mouton "moyen". "C’est une aberration. Il faut ajouter au moins 500 dirhams de plus que l’année précédente", explique-t-il.
"D’année en année, les prix grimpent à quelques jours de l’aïd. Ils atteignent jusqu’à 4 000 dirhams [356 euros]. Ceux qui ont des moyens limités peinent à acquérir un mouton. Malgré cette contrainte, nous essayons toujours de célébrer cette fête dans la joie", explique Siham El Ouardani, fonctionnaire, à Magharebia.
Les Mauritaniens préparent les festivités
Alors que les gens se préparent à célébrer l'aïd, les marchés de Nouakchott regorgent de visiteurs. Comme l'explique Marieme Mint Salem, "il faut faire vite pour acheter des habits, car ces derniers jours, la pression sur les marchés est très importante et ce n’est pas facile de s’en sortir."
"La fête intervient cette année dans un contexte difficile. Les clients se font rares et il n’y a pas d’argent", explique quant à lui Cheikh Tijani Fall, commerçant sur un marché de Nouakchott.
"Les problèmes sécuritaires avec le Mali ont eu un impact négatif sur l’approvisionnement de la capitale en viande. À cela vient s'ajouter la sécheresse qui a fait des ravages dans les rangs du cheptel", ajoute l'analyste Sidati Ould Cheikh.
Par Nazim Fethi à Alger, Bakari Gueye à Nouakchott, Siham Ali à Rabat, Mona Yahia à Tunis et Essam Mohamed à Tripoli