Cridem

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29-07-2013

08:39

'A l’heure de la rupture' chez Himine Ould Maïbess à Arafat Poteau 11 - [PhotoReportage]

Dans les rues d’Arafat, près de poteau 11, pendant que des foules se pressent sur les voitures, un homme se faufile entre elles, à laide de ses deux béquilles. Des regards curieux se braquent sur lui indéfiniment. Droit dans ses chaussures, il marche fièrement.

"J’ai eu un père qui m’a obligé très tôt à accepter mon handicap, de ne pas être complexés devant les gens. Ce père m’a toujours encouragé à m’accepter tel que je suis. Il m’appelait Himine Zahaf (l’handicapé)", explique Himine Ould Maïbess.

Dans la vie de tout un homme, il y’a des voies tracées. Celles que Himine Ould Maïbess a déjà traversées ont été éprouvantes. C’est à l’âge de 9 ans qu’il perd l’usage de ses jambes à la suite d’une poliomyélite. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de suivre ses études jusqu’en classe de Terminale. Mais, son monde s’effondre lorsque ses parents décèdent l’un après l’autre pendant la même année. Résultat, il abandonne ses études.

Il s’engage dans le théâtre aux côtés de Beuneu Ould Chenouf, feu Oumar Bâ, Abderrahmane Ahmed Salem qu’il a aujourd’hui quitté. Il se distingue en même temps dans la protection des groupes vulnérables comme les homosexuels, les travailleuses de sexe ou encore les jeunes adolescents exposés au risque du VIH/SIDA.

Aujourd’hui, il est conseiller à SOS Pairs Educateurs, dont il est un des membres fondateurs. Ce qui lui permet de gagner honnêtement sa vie, de payer le loyer, l’éducation de ses enfants inscrits tous dans des écoles privées.

En cours de route, on parle pêle-mêle d’échanges des cultures, de l’absence de culture démocratique en Mauritanie, de la situation en Egypte, du chômage des jeunes, de la nécessité de changer les mentalités pour développer la Mauritanie. "Il faut avoir une autre vision pour développer la Mauritanie", dit-il.

Après quelques bonnes cinq minutes de marche, on arrive enfin chez lui. Ses trois enfants, notamment sa fille cadette qu’elle place au-dessus de tout, se précipitent sur lui. Himine Ould Maïbess occupe cette maison depuis bientôt cinq ans qu’il loue, à 20.000 UM. "Lorsqu’on ne travaille pas ou on gagne un peu, c’est très difficile", souligne-t-il en soupirant.

On est interrompu par les salamalecs d’une femme bien lookée. Il s’agit de Toutou Mint Cheikh Mohamed Vadel, son épouse qui vient s’asseoir à côté de lui. Elle est sa confidente, sa complice. Lorsqu’ils se marient en 2001, peu de gens croyaient à leur histoire d’amour.

Douze ans plus tard, le couple qui s’est connu à El Mina a eu trois enfants, dont une fille. "Elle a accepté mon handicap. Elle souffre avec mon handicap. Elle ne m’oblige pas à faire des choses que je ne peux pas faire", indique Himine Ould Maïbess.

Le succès et la gloire que les joueurs de l’équipe nationale de football sont en train de jouir aujourd’hui, Himine Ould Maïbess l’a connu avec l’équipe de Mauritanie de handibasket, plusieurs fois championne d’Afrique. Mais, à la seule différence, ils n’ont jamais été reçus au Palais de la République. Comme quoi, la République ne sait pas souvent rendre les honneurs à ses fils qui ont arboré honorablement ses symboles un peu partout à travers le monde.

Pendant que je m’apprête à partir, il me dit : "Aujourd’hui, beaucoup de commerçants utilisent le statut d’handicapés pour être exonérés de taxes douanières. Même des religieux, pour trouver des financements en Arabie Saoudite, utilisent le statut d’handicapé." Je suis resté bouche bée.

Je quitte un homme raffiné d’esprit, plein de perspectives, de bravoure et d’engagement, un homme qui a réussi à créer des relations qui lui servent aujourd’hui, un homme foncièrement mu par l’éducation, la santé de ses enfants et dignité malgré les conditions très difficiles dans lesquelles il vit.

Babacar Baye Ndiaye


Avec Cridem, comme si vous y étiez...

















































 


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