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Les salafistes tunisiens menacent Ennahda
Brandissant la première menace directe contre le gouvernement tunisien dirigé par les islamistes, le leader du mouvement salafiste djihadiste du pays a menacé de renverser le Premier ministre, a fait savoir Tunisienumérique.com mercredi 27 mars.
"Ne laissez pas votre personne malade s'approcher de nous, ou nous mènerons une guerre contre lui jusqu'à ce que nous le renversions et l'envoyons dans les poubelles de l'histoire", a déclaré Saif Allah bin Hussein (alias Abou Iyadh), leader d'Ansar al-Sharia, dans un message adressé à Ennahda publié sur la page Facebook d'Ansar al-Sharia.
"Nous n'en dirons pas plus, vous verrez et n'entendrez pas seulement la réponse… si vous ne le retenez pas", ajoute ce message. Cette menace survient un jour après que le Premier ministre Ali Larayedh ait imputé à Abou Iyadh la prolifération des armes en Tunisie et la récente flambée de violence.
Abou Iyadh est recherché dans le cadre de l'attaque meurtrière contre l'ambassade des Etats-Unis à Tunis en septembre dernier. Ces derniers mois, les forces de sécurité tunisiennes ont mis à jour plusieurs caches d'armes, arrêté de nombreux membres du mouvement salafiste djihadiste et affronté des militants à la frontière algérienne.
Bien que ce message d'Abou Iyadh sur Facebook soit la première menace directe adressée au gouvernement par ce groupe radical, les tensions entre les deux parties n'ont cessé de s'exacerber depuis décembre dernier, lorsque Bechir Golli et Mohammed Bakhti, tous deux soupçonnés d'implication dans l'attaque contre cette ambassade, étaient morts à la prison de Mornaguia après avoir observé une grève de la faim de cinquante jours.
Les salafistes djihadistes avaient alors accusé le gouvernement d'être responsable de leur mort.
"Nous avons rompu totalement nos relations avec Ennahda parce que ce parti n'est pas islamiste, contrairement à ce qu'il affirme", a expliqué le leader salafiste djihadiste, membre et porte-parole d'Ansar al-Sharia Mohamed Anis Chaieb à arabstoday.net.
"La raison en est qu'ils embrassent le concept d'un Etat civil, et que rien dans leur programme n'indique qu'ils comptent adopter un type de régime islamique", a-t-il ajouté.
La bataille entre les deux camps a éclaté lorsque le leader d'al-Qaida Ayman al-Zawahiri s'en est pris à Ennahda pour ne pas avoir utilisé la sharia islamique comme source principale de la législation, a expliqué le professeur de relations internationales Mohamed Ben Zekri.
Le leader d'Ennahda Rached Ghannouchi avait répondu fermement à al-Zawahri, le qualifiant de catastrophe pour l'Islam et les Musulmans.
"Il existe une différence intellectuelle et doctrinale entre les djihadistes salafistes et Ennahda", a ajouté Ben Zekri à Magharebia. "Cette différence a commencé à apparaître il y a un certain temps, et chaque camp tente d'utiliser ce conflit pour gagner le soutien du plus grand nombre possible de Tunisiens."
Pour leur part, les Tunisiens s'inquiètent de voir ce conflit entre les salafistes et Ennahda menacer la stabilité politique et sociale du pays.
"La Tunisie est-elle devenue un jeu pour les islamistes et les salafistes ?", se demande Faten Marouani, une étudiante. "La violence qu'ils souhaitent sera-t-elle le facteur qui permettra au pays de sortir de son impasse et de réaliser les espoirs de sécurité, de stabilité et de prospérité économique et politique du peuple tunisien ?"
"Il semble que le gouvernement, notamment Ennahda, ait toléré le mouvement salafiste djihadiste et qu'il récolte à présent ce qu'il a semé", a ajouté Abdallah Baldi, un représentant de commerce.
"Ce que nous redoutons aujourd'hui, après la montée de l'acrimonie entre les deux parties, c'est que cette situation ait de graves incidences sur le pays", a-t-il expliqué.
Par Monia Ghanmi à Tunis