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Profs en sit-in : Une affaire qui embarrasse les autorités
La police a arrêté hier dimanche un groupe de professeurs qui protestent, depuis l’ouverture de l’année scolaire 2012-2013, contre des affectations qu’ils jugent arbitraires et " motivées " uniquement par le fait qu’ils soient parmi les enseignants qui ont organisé une série de grèves l’année dernière pour pousser le ministère d’Etat chargé de l’éducation nationale à répondre favorablement à leurs doléances.
Les professeurs arrêtés dimanche ont été répartis sur trois commissariats de la capitale (4ème, Ksar I et Ksar II), selon Mohamed Yahya Ould Rabani, l’un des dirigeants de ce mouvement de protestation qui commence à embarrasser, sérieusement, le gouvernement du Premier ministre, Moulay Ould Mohamed Laghdaf.
Ce qui est certain c’est le fait que, depuis l’intervention du président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, sur ce dossier, au cours de sa rencontre avec la presse nationale, le 29 novembre dernier, l’attitude des forces de sécurité avec ces manifestations pacifiques ont brusquement changé.
Le Rais ayant donné raison au ministère d’Etat dans sa façon d’aborder ce dossier qu’il pense être politisé par des éléments proches du parti " Tawassoul ", c’est une sorte de carte blanche qui est donnée aux responsables concernés pour agir de la façon qu’ils pensent la mieux adaptée pour ne pas laisser cette situation se dégrader pour donner lieu à autre chose.
En cela, le gouvernement peut compter sur le manque de solidarité évident des enseignants avec la centaine de professeurs qui tiennent tête au ministre Ahmed Ould Bahiya depuis plusieurs mois. On peut croire alors que les grévistes n’ont pas réussi à faire de " leur affaire " un problème qui concerne tous les enseignants en le rattachant, de manière visible et efficace, avec la question des libertés syndicales (droit de grève) et de la nécessité d’avoir un moyen de pression quelconque pour pousser le ministère à privilégier les négociations, quand il y a problème, plutôt que la fuite en avant et le recours à la manière forte.
En position de force parce que les professeurs grévistes se sentent terriblement seuls, le ministère peut bien continuer à résister à leur pression. De toute façon, l’année scolaire est bien entamée et les classes semblent bien tenues, la stratégie des responsables du MEN étant maintenant de " combler le vide ".
Peu importe comment et avec quoi. La brèche ouverte par le recours aux auxiliaires fait que l’offre est maintenant beaucoup plus forte que la demande dans le domaine de l’éducation, les sortants de l’université de Nouakchott, et même les diplômés qui reviennent au pays, après un long séjour à l’étranger étant tout heureux de trouver une occupation quelconque. Les arrestations, un risque pour la démocratie
Mais même si le gouvernement réussi, sans grande difficulté à contenir le mouvement de protestation des professeurs affectés, à tort ou à raison, et qui refusent de se plier à la volonté du puissant ministre d’Etat Ould Bahiya, il y a quand même que le préjudice pour la démocratie se fait ressentir de plus en plus. Des professeurs qui occupent un lieu public, sans violence aucune, pour réclamer ce qu’ils considèrent comme un droit, cela ne fait de mal à personne.
Le ministère peut continuer à ne prêter aucune importance à leurs revendications, et même à les sanctionner (ce qui est déjà fait avec la suspension de leurs salaires) mais il n’a aucun intérêt à envoyer contre eux la police pour les réprimander ou les enfermer dans des commissariats. Cela ne fera que focaliser l’attention de l’opinion publique nationale et internationale, qui a les regards ailleurs, sur une affaire qui doit être regardée en face par le gouvernement.
D’aucuns pensent cependant que le " mobile " de la grève n’est pas très défendable, ce qui justifie le fait que la centaine de professeurs n’ait pas réussi à engager leurs collègues avec eux. Car on dit souvent qu’un fonctionnaire est appelé à servir n’importe où, et ce en dehors même du caractère " répressif " de son affectation. D’ailleurs, les mesures disciplinaires, cela existe un peu partout dans le monde, même si le droit de grève est garanti et qu’on ne peut pas en vouloir à un syndicat ou à un enseignant d’avoir profité de ce droit.
C’est pour dire que les deux camps ont intérêt à privilégier la négociation et non pas ce bras de fer qui, à la longue, peut avoir des conséquences incalculables. Comme, par exemple, raffermir cette " culture " de la contestation dont les secteurs sociaux en Mauritanie ont certes besoin mais dont les victimes expiatoires peuvent être les classes pauvres (élèves issus de milieux défavorisés et malades sans ressources).
Il est vrai que la grève des professeurs est limité dans l’espace (à Nouakchott seulement) et en intensité (une centaine de professeurs) mais détermine, à n’en pas douter, le malaise que connait l’éducation en Mauritanie. Continuer à ignorer cette réalité, c’est prendre le risque du pourrissement d’une situation qui, demain, peut être un dangereux précédent. Quand les autorités seront obligées de s’orienter vers la " solution finale " (la radiation) ou à faire marche arrière.
MOMS