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08-11-2012

14:12

SNES: Plaidoyer en faveur des enseignants frappés de mutations imposées.

Pour contribuer à éclairer davantage l’opinion publique sur les mutations imposées à plus de 100 enseignants du Secondaire, le SNES apporte les remarques suivantes pour jeter la lumière sur cette décision du ministère d’Etat à l’Education nationale. Et ce, au moment où, 50 jours après cette mutation, le ministère s’attache à sa décision, alors que les enseignants concernés continuent à la rejeter.

Cette décision, prise à la suite d’une année scolaire 2011-2012 fortement marquées par les mouvements de grève, a été rejetée à l’unanimité par tous les syndicats des enseignants du Secondaire. Elle a été également rejetée par la communauté enseignante dans son ensemble, en plus du refus des enseignants mutés de s’y plier. Ce qui risque de priver le Secondaire de plus de 100 des ses enseignants, déjà en nombres fort insuffisants.

Et, en plus du préjudice évident qu’elle cause à la bonne marche du système éducatif, cette décision constitue une violation inacceptable aux droits syndicaux.

A. Une décision qui viole les droits syndicaux:

Lors d’une réunion avec les représentants des syndicats du Secondaire, tenue le 17 septembre 2012 à la direction des ressources humaines au ministère, les représentants du ministère d’Etat à l’Education avaient reconnu que les mutations des professeurs frappés par cette mesure étaient décidées pour satisfaire les demandes de certains walis. Ils avaient même lu au cours de la réunion des lettres de ces walis demandant au ministère de déplacer ces enseignants qu’ils qualifiaient d’agitateurs et d’instigateurs de grèves.

Cette décision est donc une sanction contre un groupe de professeurs à cause de leur engagement syndical, surtout qu’ils avaient tous pris part aux mouvements de grèves. Et, partant, elle constitue une violation inacceptable aux principes fondamentaux des libertés syndicales telles que garanties par la législation mauritanienne et par les conventions de l’OIT signées par notre pays.

En effet, la constitution de la République Islamique de Mauritanie consacre le droit de grève à son article 14, et la loi n° 93-09 portant statut général des fonctionnaires et agents contractuels de l’Etat stipule à son article 18 que le droit syndical est reconnu aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et exercer des mandats.

La loi n° 2004-017 portant code du travail affirme à son article 267 que toute entrave à la liberté syndicale est passible des peines applicables en matière d’entrave à la liberté du travail, et qu’il est interdit à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un groupement professionnel ou l’exercice d’une activité syndicale pour prendre les décisions concernant, notamment, l’embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l’avancement, l’octroi d’avantages sociaux et les mesures de discipline et de licenciement.

Le même article de continuer que l’employeur ou ses représentants ne doivent employer aucun moyen de pression en faveur ou à l’encontre d’un quelconque groupement professionnel, et que toute mesure prise par l’employeur, contrairement aux dispositions du présent article est fautive et donne lieu à des dommages-intérêts.

La convention collective du travail de la République Islamique de Mauritanie consacre son titre 2 à l’exercice du droit syndical où l’article 7 stipule les parties contractantes reconnaissent le droit pour tous de s'associer et d'agir librement pour la défense collective de leurs intérêts professionnels. Ce même article affirme que les employeurs s’engagent également à ne pas prendre en considération le fait d'appartenir ou non à un syndicat, d'exercer ou non des fonctions syndicales. Ils s'engagent aussi à ne faire aucune pression sur les travailleurs de tel ou tel syndicat.

Pour sa part, la convention n° 98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective affirme à son article premier que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale. Une telle protection doit notamment s’appliquer en ce qui concerne (un ensemble d’actes dont notamment) l’acte ayant pour but de congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales.

A propos des mutations des fonctionnaires, la loi n° 93-09 portant statut général des fonctionnaires et agents contractuels de l’Etat mauritanien qui consacre sa section 3 à cette question, affirme à son article 64 que les affectations doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille.

L’article 75 de cette loi évoque le déplacement d’office avec changement de résidence en tant que sanction disciplinaire du deuxième groupe, mais les articles 76, 77 et 78 de cette même loi énumèrent un ensemble de conditions que le ministère d’Etat a tout simplement ignorées lors des mutations de ces professeurs. Parmi ces conditions, il est précisé que les sanctions du deuxième groupe ne peuvent intervenir qu’après consultation du conseil de discipline compétent, ce dernier devant émettre un avis motivé sur la sanction qu’il propose.

Il est également exigé que les conditions soient motivées et qu’elles ne peuvent intervenir qu’après que le fonctionnaire ait été mis à même de prendre connaissance des pièces de son dossier relatives à la sanction envisagée à son égard et de présenter sa défense par écrit, ou oralement. Il doit être informé de ce droit par l’administration. Le fonctionnaire poursuivi doit, sauf cas de force majeure, assister à la séance du conseil de discipline où son cas est examiné.

Il peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins, se faire assister ou se faire représenter par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Et, s’il ne se juge pas suffisamment éclairé sur les faits reprochés au fonctionnaire ou sur les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, le conseil de discipline peut faire procéder à une enquête dont les conclusions lui seront communiquées.

Un ensemble de dispositions et de démarches légales que le ministère d’Etat a contournées, ce qui fait que les mutations de ces professeurs sont illégales.

B. Une décision préjudiciable à la bonne marche du système éducatif

Pour se rendre compte de la gravité du tort causé par cette décision au système éducatif , une lecture rapide de la note de service par lesquelles ces professeurs ont été mutés, la note de service n° 174 du 18/09/2012, s’impose. Cette note de service n’a fait qu’annoncer la décision mettant en avant la « nécessité de service » comme prétexte de ces mutations.

Nul n’ignore que les fonctionnaires cherchent d’habitude à éviter d’être mutés vers les zones les plus enclavées ou éloignées de Nouakchott, comme les deux Hodhs, le Guidimagha, le Gorgol, l’Assaba, le Brakna, le Tagant, l’Adrar et le Tiris Zemour. Mais l’administration est contrainte de temps à autre de muter des enseignants contre leur volonté pour nécessité de service dans ces zones.

Généralement, cette mesure concerne les nouveaux sortants, ou ceux situés au bas du classement des enseignants établi depuis 2007, suivant des critères d’affectation et de promotion, adoptés de commun accord entre les syndicats d’enseignants et le ministère de l’Education.

Il est surprenant de constater que cette note de service contraint 63 professeurs à quitter ces régions peu convoitées, d’autant plus que cette même note de service procède aux mutations de la totalité des professeurs victimes de ces mutations imposées vers ces régions et que, dans beaucoup de cas, elle force à la permutation des professeurs de la même discipline et du même niveau académique

Contraindre les professeurs à quitter ces zones éloignées ou enclavées, auxquelles ils se sont adaptés parce qu’ils en sont originaires ou pour n’importe quelle autre raison sociale ou économique, leur porte préjudice ainsi qu’à leurs familles, au-delà du grand tort qu’il cause au système éducatif dans son ensemble, étant donné que ces professeurs et tous leurs collègues mutés contre leurs volontés ne sauront être aussi opérants en dehors des milieux où ils se sont acclimatés et tissé un réseau de liens pouvant leur venir en aide face aux infortunes, au dénuement et la cherté de la vie.

Une telle décision prise dans les conditions actuelles est une irrévérence à l’égard des enseignants et une provocation qui ne fait que jeter de l’huile sur le feu et pousser les professeurs de l’enseignement secondaire à davantage de protestations, et, partant, mener notre système éducatif vers plus d’avarie et d’échec.

C’est dire donc combien les mutations imposées à ces professeurs sont illégales, préjudiciables à notre système éducatif et constituent une injustice flagrante à l’encontre des professeurs. Un abus contre lequel la communauté enseignante d’une manière générale et les enseignants du Secondaire en particulier, doivent se mobiliser. Aussi, tous les segments de la société civile doivent les soutenir pour défendre l’Etat de Droit et l’intérêt supérieur de la Mauritanie.

Nouakchott, le 05 novembre 2012
Le Secrétariat général du SNES

Syndicat National de l’Enseignement Secondaire (SNES) 
A 053 Ilot L, BP: 5434
Tel: 00 222 45247300
Mob. 00 222 26719629
Nouakchott - Mauritanie


 


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